2022
Kate Newby
The edge of earth / You wish. You wish, 2022, Palais de Tokyo, Paris/FR

Kate Newby, The edge of earth, 2022, sculptures en briques et mortier, dimensions variables, produit avec le soutien de Rairies Montrieux, présenté sur le parvis du Palais de Tokyo lors de l’exposition collective Réclamer la terre, 2022, Paris/FR. Photo Aurélien Mole.

Réclamer la terre se présente comme un programme qui explore la relation entre le corps et la terre. Une exposition qui s’emploie à réfléchir la place de l’individu dans son environnement, mais aussi l’y replacer. Il s’agit de matérialiser cette « communauté du sol », développée par Rachel Carson, pionnière de l’écologie et autrice de Printemps silencieux (1962).

Dans ce contexte, Kate Newby présente The edge of earth sur le parvis du Palais de Tokyo, ou plutôt « dans » le parvis. L’artiste néo-zélandaise investit les interstices architecturaux délaissés, quelques carrés de terre inutilisés. Elle propose 5 compositions in situ, en briques, prises dans l’architecture sans la dénaturer. Par des matériaux ordinaires, Kate Newby se réclame d’un héritage artisanal, comme l’illustre cette collaboration avec les Ateliers Rairies-Montrieux, où elle travaille la matière avec son corps.

Ces créations subtiles soulignent une attention minimaliste qui s’épanouit dans le détail, les traitements de surface. L’approche des volumes révèle des réflexions internes à la sculpture, ici, travaillée en creux plutôt qu’en élévation. Des sillons et trous qui auraient pu être l’œuvre d’un animal ou d’insectes dans la terre. Une certaine poésie du quotidien transparaît, magnifiant des altérations qui rappellent celles du bitume, soumis à l’usure, aux éléments, aux aléas du climat.

Un ensemble qui évoque également la lente création topographique, modelage des masses dans la terre comme dans cette argile figée. The edge of earth apparaît comme autant de paysages miniaturisés, de jardins minéraux : des contrepoints organiques à la rigidité géométrique de cette architecture. Un jeu de courbes et contre-courbes, sanctionné par l’orthogonalité des briques, qui résonne avec l’usage du parvis par les jeunes skaters, intégrant pleinement cet environnement tant physique que social.

Kate Newby, « You wish. You wish. », 2022, carreaux de verre teinté au jaune d’argent, 33 x 33cm chaque, produit avec les Ateliers Loire, inclus dans la porte du Palais de Tokyo lors de l’exposition collective « Réclamer la terre », 2022, Paris/FR. Photo Aurélien Mole.

En parallèle, Kate Newby investit avec discrétion l’entrée du Palais de Tokyo, selon une continuité formelle et conceptuelle. You wish. You wish.  est une proposition entre installation, artisanat et architecture : quelques carreaux de verre, teintés au jaune d’argent, sont répartis sur la porte monumentale de l’institution. L’œuvre ne se révèle véritablement qu’à la fermeture du Palais, alors que la lumière filtre au travers de ces vitraux singuliers.

Avec ce projet, l’artiste collabore avec les Ateliers Loire de Chartres, héritiers d’un savoir-faire technique et artisanal remarquable. Ici encore, on retrouve un attrait pour l’altération sublimée, la valorisation du rebut : des trous, des déformations et « malfaçons » volontaires qui compromettent la fonctionnalité des vitraux et contrebalance la virtuosité des maîtres verriers.

Pour Réclamer la terre, Kate Newby illustre un rapport à l’environnement qui tient de la symbiose, de l’unité. Une production qui s’insère dans un écosystème plutôt que de s’y imposer, et dont la matérialité, l’argile et le verre, renvoie à une filiation plus en phase avec la nature.