L’imagination n’est pas à opposer au réel.
L’aquarium
Quand j’étais petit, nous avions un aquarium avec quelques guppys, un banc de néons, une ou deux crevettes et des petits poissons jaunes tâchetés, qui nettoyaient les vitres, de leurs grosses lèvres muettes. Je me souviens avoir éprouvé une gêne à la vision des guppies défèquants, puisque dans l’eau cela faisait comme une petite ficelle qu’ils trimballaient dans leur sillage, jusqu’à devenir trop longue et rompre. Alors que l’on m’apprenait la propreté et la pudeur, cela me gênait. Peut être que par une sorte d’intuition enfantine, je voyais que nous n’étions pas si différents et même que notre condition était finalement assez semblable, mais sans le visage géant de l’autre côté de la vitre.
Océaniania est parti-entre autre-de ces souvenirs d’enfance, mais comme d’habitude, mon travail de dessin relève d’une accumulation de perceptions et de connaissances que je n’organise pas dans le but de produire une énonciation affirmative quelconque. Cela sonne comme un désengagement. C’est pourtant pour moi une manière essentielle d’aborder des sujets, sans les coincer dans un discours. Je m’empêtre souvent quand il s’agit du langage.
… le coeur de mes recherches se situe dans l’exploration, notamment en invitant le doute au sein du dessin. En cédant une part de contrôle à mon inconscient à l’intuition et à l’imagination, j’introduis la possibilité de me laisser dépasser par mon ouvrage.
Corentin Grossmann
L’imagination est une faculté de connaissance.