Pierre-Olivier Arnaud, Place du jour, 29 septembre 2023 – 29 septembre 2025, ensemble de 24 affiches en papier, rue Braque, Arras/FR.

Place du Jour est un projet de Pierre-Olivier Arnaud qui s’inscrit dans le cadre d’un programme de commande d’œuvres temporaires et réactivables pour l’espace public lancé par le CNAP en 2019. 

L’artiste propose un cycle d’affichage placardé rue Braque, à Arras : pendant deux ans, une nouvelle image est collée chaque mois à la place de celle du mois précédent. Cette rotation mensuelle sur cinq panneaux se compose au total de 24 photographies en noir et blanc. Pierre-Olivier Arnaud travaille méticuleusement ses images, notamment leur texture, et joue du contraste avec la simplicité et la fragilité du papier. Sa démarche artistique est caractérisée par une grande spontanéité : il capture, immortalise et sublime des objets qu’il rencontre lors de ses pérégrinations. 

Penser ce projet dans et pour l’espace urbain permet de proposer une forme artistique radicale et démocratique, accessible au public en-dehors des espaces culturels institutionnels. A la fin des cycles d’affichage, un journal réunissant toutes ces images sera imprimé et distribué aux résidents de la ville.

Avec Place du jour, Pierre-Olivier Arnaud nous invite à poser un nouveau regard sur les images qui nous sont données à voir dans l’espace public, souvent à visées publicitaires ou électorales. Détournant cet outil de communication et d’influence, l’artiste fait de l’affiche un médium artistique et explore les qualités esthétiques qui naissent de sa fragilité, de sa nature éphémère et de ses détériorations inévitables. 

 

Michel Blazy, La Cantine, commande artistique réalisée dans le cadre de l’action Nouveaux Commanditaires, 2024. Photo : Centre International d’Art et du Paysage – Île de Vassivière
Clément Villiers, Réfectoire, film, 24 minutes, 2024 © Clément Villers

L’ancien centre de vacances du Chamet, à Faux-la-Montagne dans la Creuse, est abandonné depuis la fin des années 2000. En 2018, il est investi par un groupe de chercheur-euse-s indépendant-e-s qui y installent, créent et construisent un lieu de recherche et d’étude.

Le groupe fait appel au CIAPV en 2019 pour les accompagner dans la commande d’une œuvre qui interroge la reprise de lieux de civilisations par de nouvelles formes de vie. Choisi pour répondre à cette commande, l’artiste Michel Blazy y développe La Cantine, un jardin d’anticipation dans l’ancien réfectoire du site. Il y traite cette ruine comme un être vivant avec son propre temps, pour en observer les mouvements et les échanges avec les autres espèces. Elle devient un nouveau milieu nourricier sans domination humaine, un espace de symbiose et de réconciliation entre l’artefact et l’organique, entre l’humain, le végétal et l’animal.

Commande artistique réalisée dans le cadre de l’action Nouveaux commanditaires, Lac du Chamet, Plateau de Millevaches.

Avec le soutien de la Fondation Daniel et Nina Carasso, la Fondation de France et des bénévoles ayant participé à la production de l’œuvre.

Michel Blazy, Bouquet Final, 2012, Collège des Bernardins. échafaudage, jardinières, liquide moussant.
Michel Blazy, Bouquet final. Nuit blanche 2012, Mairie du 4e arrondissement, Paris/FR. échafaudage, jardinières, liquide moussant.

Sur la structure d’un échafaudage industriel, une épaisse mousse blanche gonfle et s’échappe lentement de jardinières en plastique. Les bacs sont régulièrement alimentés en liquide moussant. Michel Blazy a choisi un produit premier prix qui dégage dans l’espace d’exposition une familière odeur de lavande. Actionnées par des pompes à air invisibles, les coulées d’écume se déversent jusqu’à devenir trop lourdes et se briser. Une fois au sol, la mousse redevient peu à peu liquide. L’œuvre doit être réactivée tous les matins.

Bouquet final a été présentée en 2012 au Collège des Bernardins (Paris), un ancien lieu d’enseignement cistercien du XIIIème siècle, classé au titre des monuments historiques. La même année, les visiteurs de la Nuit Blanche parisienne – avec une programmation au fil de l’eau, le long de la Seine – ont pu découvrir cette colossale installation dans une des salles de réception de la Mairie du 4ème arrondissement. Allégorie des excès de notre société de consommation, les cascades de mousse font également écho au faste de ces deux lieux par leur opulence. Bouquet final ne cache pourtant rien de son caractère éphémère et prosaïque, rappelant que toute chose est vouée à l’entropie.

Vues de l’installation / Installation views Ulla von Bradenburg, Death of a King, 2012, Agora, Palais de Tokyo, Paris/FR. Courtesy the Artist et Art : Concept, Paris. Photo André Morin

En 2012, le Palais de Tokyo rouvre ses portes après dix mois de travaux. Sa nouvelle configuration fait de l’Agora un « espace central » voué à être au « croisement entre les expositions et les visiteurs ». Avec Death of a king, Ulla von Brandenburg inaugure cet espace, idéalement placé sous une verrière, et révèle sa nouvelle fonction.

Les visiteurs sont invités à entrer dans cette installation monumentale et colorée qui se déploie sur une estrade à deux niveaux, épousant les particularités architecturales du lieu. Ludique, elle évoque un costume d’arlequin par le motif qui recouvre le sol et les murs, et une rampe de skatepark par sa forme en U. Référence au théâtre populaire dans la tradition de la Comedia dell Arte, Death of a king fait également écho aux rampes improvisées des skaters qui s’entraînent sur les marches du parvis du Palais de Tokyo. L’installation rappelle ainsi que le skatepark est aussi une scène où l’on performe sous des regards. L’Agora transformée par Ulla von Brandenburg devient alors un espace intermédiaire, entre la fiction et le réel, le théâtre et la vie.

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Photo © Tom Cornille
Photo © Sigrid Spinnox
Entretien avec Ulla von Brandenburg. Extrait de Introfilm Experience Traps, 2018

« Parce que le théâtre est de toute évidence un moyen de voyager avec l’esprit, il faut se rappeler que ce sont les marins qui, avec leur connaissance des machines, travaillaient dans les théâtres lorsqu’ils étaient à terre. J’aimerais construire une scène faites de voiles, à mi-chemin entre le théâtre et un bateau, amarré sur une pelouse loin de la mer, où la toile de fond ressemblerait aux voiles d’un bateau. »

—Ulla von Brandenburg

Répondant à l’invitation du Middelheim Museum, Ulla von Brandenburg a imaginé pour l’exposition Experience trap (2018) un théâtre en bois librement inspiré des idées novatrices du paysage baroque.

Le traditionnel rideau se décline ici en sept paires de drapés dont les nuances de bleu soulignent la profondeur de l’espace scénique. Ce dernier accueille une performance faisant référence au livre Les États et Empires de l’Europe de Cyrano de Bergerac (1619-1655) et interprétée par le comédien Benoît Résillot. Après la représentation, le visiteur a pu découvrir les dessous de la scène et activer la « machine de la mer ».

Tout comme le jardin baroque, le théâtre utilise des artifices comme la perspective et le trompe-l’œil pour créer des illusions. Ici, un dispositif théâtral ingénieux a été intégré dans la structure scénique pour permettre à « la mer » de se mouvoir. L’utilisation de matériaux simples, planches de bois et textile, rend l’œuvre de Ulla von Brandenburg intemporelle, loin de toute copie historique ou des technologies du théâtre contemporain.

Site du Middelheim Museum

Ask the Animals, and They Will Teach You, 2021. Polyester et technique mixte / Polyester and mixed media,, éd. 2/3, Hangar Y, Meudon/FR, 2024

« ADORER LE CAMÉLÉON

Le caméléon est une espèce ancienne de reptile qui vit sur Terre depuis environ 100 millions d’années.

De nombreux caméléons ont la capacité de changer de couleur pour exprimer leur état d’esprit ou pour communiquer.

Les caméléons ont un champ de vision de 360 degrés et grâce à leur langue balistique, ils peuvent attraper les proies les plus lourdes avec une vitesse de 0 à 95 kilomètres en 1/100e de seconde. »

—Jeremy Deller.

Ask the Animals, and They Will Teach You illustre une réflexion sur la culture populaire et la culture scientifique avec l’approche ludique et didactique propre au travail de Jeremy Deller. L’artiste conçoit cette œuvre comme une structure de jeu où les enfants sont invités à se laisser glisser sur la langue-toboggan du caméléon. Les enjeux écologiques sous-tendent discrètement ce monument qui nous invite à penser la mémoire collective des espèces en danger sur le modèle des héros historiques. Aux abords du Hangar Y, l’animal démesuré retrouve sa place au cœur de la forêt, mais cette fois-ci, en tant qu’œuvre d’art participative.

Une première version de Ask The Animals and They Will Teach You a également été installée sur la place Van Bunnenplein, à Knokke-Heist en Belgique, dans le cadre de la Triennale d’art contemporain Beaufort 21.

Jeremy Deller, Ask The Animals and they will Teach You, Technique mixte, 2021

Ask The Animals and They Will Teach You a été installée à Knokke-Heist, sur le littoral belge, à l’occasion de la Triennale d’art contemporain Beaufort 21.

Cette œuvre, à la fois sculpture et toboggan, invite les enfants à glisser sur la langue d’un imposant caméléon. Placé au centre de la place Van Bunnenplein, l’animal se tient sur un socle gravé sur lequel on peut lire une description de l’espèce. Fidèle à son sens du détournement, Jeremy Deller utilise les codes du monument pour en faire un objet ludique. Au lieu de rendre hommage à un personnage historique, il met en lumière l’une des plus anciennes créatures de la planète, menacée par le réchauffement climatique.

« Les caméléons ont quelque chose de magique, ils peuvent faire des choses dont nous ne pouvons que rêver et sont les plus belles créatures sur Terre. Nous devons leur vouer une véritable adoration » — Jeremy Deller. 

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Jeremy Deller, The lovers, 2021, polyuréthane, fibre de verre, acier, polyester, peinture, balançoire. H 300cm.

En 2021, la deuxième triennale d’art contemporain de Courtrai invite les artistes à interpréter le concept de paradis.

Au cœur du parc Messeyne, jardin romantique conçu au XIXème siècle, Jeremy Deller revisite une des plus célèbres scènes de la Bible, devenu un archétype de l’imaginaire collectif occidental. Il s’appuie en particulier sur l’Adam et Eve peint en 1526 par Lucas Cranach, actuellement conservée à la Courtauld Gallery de Londres.

L’imposant couple de personnages blancs de trois mètres de haut sert de structure à une balançoire mise à disposition du public. En proposant une version contemporaine, drôle et fonctionnelle de ce mythe de la création, l’artiste détourne à la fois le contenu de l’iconographie religieuse et la solennité qu’ont habituellement les monuments dans l’espace public.

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Jeremy Deller, Father and Son, 6 novembre 2021, installation sculpturale consumable, cire, bois, mèche et flamme, grandeur nature, commande de l’ACCA, Saint Saviour’s Church of Exiles, Collingwood, Melbourne/AU. 

Father and Son est une installation de Jeremy Deller commandée par l’Australian Centre for Contemporary Art (ACCA). Le 6 novembre 2021, une veille publique mettait en scène la consumation de l’œuvre en cire pendant 12 heures. L’événement était filmé et diffusé en temps réel sur le site de l’ACCA. Une version miniature de la sculpture-bougie y était également en vente.

Father and Son illustre parfaitement la dimension sociale de l’approche artistique de Jeremy Deller. L’œuvre est présentée comme une représentation archétypale de la figure paternelle accompagnée de sa progéniture masculine. Pourtant, les deux hommes ressemblent étrangement à Rupert et Lachlan Murdoch, à la tête d’une longue lignée de magnats des médias australiens. L’artiste aborde la question de l’héritage, de la filiation, et invite à réfléchir les dynamiques de pouvoir sous le prisme générationnel et institutionnel.

La Bible s’impose comme la référence principale de l’artiste britannique qui mentionne spécifiquement le verset 5 :19 de l’Evangile selon saint Jean : « Ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement ». Le choix du lieu de l’événement – une église désacralisée de Melbourne – souligne le caractère subversif de la pensée de Jeremy Deller, pour qui musées et églises sont des espaces singuliers et interchangeables où les limites entre sacré et profane sont brouillées. Un décor qui renvoie inévitablement aux dynamiques patriarcales qui s’exercent non seulement dans le Christianisme, mais également dans les autres sphères de notre société : politique, médias, travail… 

Le traitement plastique de Father and Son laisse apparaître l’influence des sculptures baroques espagnoles. Un héritage qu’il adapte à des codes anciens et contemporains, du portrait de famille au portrait d’entreprise, souvent pensé comme support de légitimation dans le contexte de dynastie d’entrepreneurs. Cette œuvre qui brûle et s’auto-détruit peut alors être considérée comme une sorte de vanité ou de memento mori politiquement engagé. 

Sacrilege, 2012, sculpture gonflable en plastique 30m de diamètre (composée de 6 éléments), 12 ventilateurs, 1 générateur, édition unique. Présenté lors de la FIAC 2012, Paris/FR.

Jeremy Deller propose avec Sacrilege, une reproduction du fameux site mégalithique de Stonehenge, au Royaume-Uni. Il adopte une perspective subversive, interrogeant la sacralité et l’accessibilité des emblèmes identitaires, politiques et religieux. Avec cette version gonflable et ludique qui rompt avec la rigidité de la pierre, il confronte l’Histoire et l’idée de patrimoine en sacrifiant symboliquement le monument. Un sacrifice qui permet d’exalter un potentiel créatif de masse, s’intéressant à une expérience artistique collective.

La sculpture est une œuvre participative, accessible à tous, qui offre une nouvelle vie au site inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Un Stonehenge qui revient à sa fonction première, offrant un cadre pour partager et faire communauté. Jeremy Deller rappelle ainsi l’importance de se réapproprier les espaces pour les investir de sens et d’usages nouveaux.

Sacrilege a notamment été présentée sur la pelouse des Invalides, à Paris, lors de la FIAC 2012. La même année, l’installation donne naissance à une série photographique indépendante, intitulée « English magic ».

Série English magic, 2012, photographies, tirages lambda contrecollés sur dibond, polyptyque de 8, 40×50 chacune.

Ces quelques photographies immortalisent les pirouettes de jeunes gymnastes au cœur du temple mégalithique gonflable. Par le jeu, il s’agit de réunir deux cultures séparées de plusieurs siècles.